L'agence photo L'Œil public dépose le bilan
Dernière victime de la crise des agences de presse photographiques, L'Œil public déposera le bilan en janvier 2010. En juillet, la structure, endettée, avait licencié ses quatre
salariés et ne tournait plus qu'avec l'aide d'une iconographe indépendante. Après des mois de réflexion, et une année 2009 difficile, qui a vu chuter le chiffre d'affaires de 50 %,
les huit photographes membres de l'agence ont décidé d'arrêter les frais. Une nouvelle qui confirme la mauvaise situation du secteur : Corbis, l'agence possédée par Bill Gates, vient
juste de mener un plan social d'ampleur en Europe. Eyedea Presse, qui regroupe plusieurs agences historiques, a licencié 33 personnes, dont tous les photographes de Gamma.
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Avec L'Œil public, c'est un symbole qui s'arrête : il est le plus célèbre de ces collectifs de photographes apparus dans les années 1990. Alors que les agences traditionnelles
s'essoufflent, ces structures légères au fonctionnement coopératif permettent aux photographes de monter des projets communs, de défendre une écriture photographique. Créé en 1995 par
quatre jeunes photographes, L'Œil public est d'abord une simple association qui présente des expositions de photos : en 1996, il monte le festival "Un jeton pour l'image" dans les
laveries automatiques de Paris.
Plusieurs photographes, comme Guillaume Herbaut ou Samuel Bollendorff, assoient la réputation du groupe, qui s'illustre surtout dans les sujets sociaux. En 2001, L'Œil public devient
une SARL gérée et possédée par ses membres, avec une présidence tournante.
La crise en 2008 a fait plonger les revenus tirés de la vente des archives et de la communication d'entreprise, ressources qui faisaient vivre la structure - les photographes
conservant tous les gains tirés des projets personnels et des publications dans la presse. "La crise n'a fait qu'accélérer les choses, précise Guillaume Herbaut, fondateur de
l'association. C'est la fin d'un modèle : il n'est pas possible pour un petit groupe de se rassembler et de distribuer ses archives, ça demande trop d'énergie et de fonds."
Samuel Bollendorff dit regretter la perte, avec L'Œil public, d'"une voix et d'un regard collectifs", mais les photographes ne sont pas nostalgiques. Tous poursuivent individuellement
les projets en cours, qui sont de moins en moins tournés vers le secteur de la presse, fragilisé : trois d'entre eux, qui travaillent sur des webdocumentaires, ont reçu des aides du
Centre national de la cinématographie (CNC).
Claire Guillot
Article paru dans l'édition du Monde du 24.12.09.
Le Monde, Presse, photo, journalisme, agence, crise