l'Edito de Polkamagazine
AU NOM DE LA QUALITE ET DE LA LIBERTE
Polka, depuis son premier numéro, ouvre largement ses pages, les murs de ses expositions et son site aux photographes qui, pour de mauvaises raisons, n’occupent plus, dans les journaux et magazines, la place que leur talent mérite et que les exigences d’une bonne couverture de l’actualité imposent. L’une des valeurs fondatrices de Polka est de les accueillir au nom de la qualité et de la liberté des images.
Grands mots! Excessifs! C’est vrai. La qualité et la liberté, surtout la liberté, sont mis à toutes les sauces et récupérés par toutes les causes. Ainsi la presse écrite s’est réunie, il y a quelques mois, dans des Etats généraux pour tenter de préserver sa qualité et de conserver sa liberté. Pourquoi pas? La démarche, sur le principe, fut bonne et les propositions, pour la plupart, intéressantes. Mais on connaît la polémique qui s’en suivit. Non seulement ces fameux Etats généraux ont fait l’impasse sur la photo et le photojournalisme, ce qui est un oubli troublant quand le but est d’améliorer la qualité des journaux et magazines, mais en plus ils ont été organisés à l’initiative du pouvoir politique, ce qui est original quant à l’ordre du jour sont inscrites la liberté et l’indépendance. Mais passons.
Puisque la presse s’est réunie pour trouver des solutions et remèdes à la crise qu’elle traverse, pourquoi ne pas en faire autant pour la photo en réparant « l’oubli » des Etats généraux et en organisant d’autre... mais en toute liberté. C’est à dire : sans la bénédiction préalable du pouvoir, mais sans s’interdire de lui faire part de nos réflexions et de nos propositions puisqu’en France, c’est ainsi et nul n’a envie de s’en plaindre: l’Etat, par sa législation, notamment fiscale, contribue à l’équilibre de la gestion des entreprises de presse.
Réunissons-nous, d’abord entre nous, nous tous, photographes et éditeurs, journalistes et lecteurs, syndicalistes et propriétaires de groupe de presse, patrons de festivals et d’agences, directeurs de galerie et de sites internet, laboratoires et annonceurs, tous ces métiers qui constituent l’industrie de la photographie... Réunissons-nous, sans limites ni frontières, chaque pays d’Europe, chaque continent étant invité à participer, à proposer des solutions et à faire partager ses expériences. Réunissons-nous, et, une fois que nous saurons ce que nous voulons, ce que nous proposons, mais aussi ce que nous demandons, allons voir ou, mieux, invitons les représentants de l’Etat, les ministres et hauts fonctionnaires pour travailler avec eux en bonne intelligence. Ils ne sont ni nos ennemis, ni nos sauveurs providentiels mais des interlocuteurs d’autant plus précieux à entendre - et à nous entendre - qu’il y a urgence. Et que cette urgence n’est en rien une histoire de corporatisme mais concerne la santé fragile de la démocratie française. Aider les photographes à trouver des financements pour partir en reportage, réfléchir à de nouveaux moyens pour qu’ils retournent sur le terrain et vivent bien de leur travail, ce n’est pas seulement faire oeuvre d’assistance à une profession en danger de mort, c’est aussi venir au secours de toute la presse écrite.
Car si aujourd’hui elle souffre, si ses lecteurs la désertent, c’est bien sûr parce qu’elle subit de plein fouet la concurrence d’internet, mais aussi, osons le dire sans prendre de gants: parce qu’elle est moins bonne qu’avant. Les économies faites sur les achats photos, sur les exclusivités d’images, sur le départ de plus en plus rare des photographes en long reportage, sur la limitation des frais et du temps passé sur place aboutissent à un appauvrissement du contenu des journaux et des magazines. Ces mauvaises réponses budgétaires à la crise ne font qu’amplifier, mois après mois, son ampleur. Pour boucher un trou financier, la presse se vide de ses images et déçoit ses lecteurs, creusant ainsi sa propre tombe. D’où l’urgence de ces Etats généraux de la photo pour parler, entre nous et avec tout le monde, de survie. De survie de toute la presse écrite. Donc de liberté. Donc du bon fonctionnement de la démocratie. Ce qui est suffisant pour justifier, s’il en est encore besoin, cette obligation d’un dialogue avec les représentants de l’Etat. Journalistes, photographes, hommes politiques, lecteurs, citoyens... nous sommes tous concernés. Vous aussi.
Dès maintenant, réagissez, donnez votre avis. Nous publierons vos réponses et engagerons le débat.
Alain Genestar